La rivière de l'amour débouche sur les entrailles de l'enfer... [ oui, j'ai oublié : tout le monde peut participer, si ça dit quelqu'un...]

-Youpi, youpi, regarde Nini! C'est comme dans les films, une balade sur bateau-cygne à deux!! On va monter sur un cygne!

L'enthousiasme de la petite fille était d'autant plus grand que sa grande soeur gardait une attitude très réservée face au spectacle de cette "balade de l'enfer". Adélie trouvait l'idée très amusante et pensait que Nina avait honte de se montrer avec sa petite soeur dans une attraction qu'elle aurait du faire avec son petit ami, si elle en avait eu un.

Toute à ses pensées moqueuses, elle n'avait pas remarqué comme elle l'aurait du les couleurs un peu trop criardes, l'exagération visible dans la présentation de l'attraction. Un bras de rivière séparait la file d'attente du premier panneau de décor, où des coeurs, mais aussi de petits cupidons blondinets et rondouilles voletaient autour d'un couple enlacé, qui selon le délire d'Adélie avair l'air passionné, mais semblait à l'observateur moyen tout simplement niais.

Le cygne lui-même avait deux têtes, ce qui laissait une impression des plus désagréables dans cet univers mièvre où tout semblait parfait, mais les cous se rejoignaient pour former un coeur et Nina eut la surprise de voir Adélie s'attacher tout de suite à l'animal.

Elles embarquèrent dans le silence, appréhendant chacune différemment la suite du parcours, ce que la rivière allait dévoiler en passant le rideau de tulle rose qui marquait le début de la balade.

Rien qu'une prairie paisible où gambadaient des moutons parmis bergères et bergers se faisant la cour. Ciel exégérément bleu, pelouse verte synthétique, sourires figés des hommes comme des bêtes ( on s'imagine mal comme c'est dérangeant de voir un mouton SOURIRE ).

Adélie n'avait toujours rien décelé de l'étrange atmosphère quand tout à coup, comme quand un nuage voile le soleil à son zénith, une ombre vint ternir le tableau. Une silhouette étrange se découpait nettement sur le ciel monochrome et les lumières électriques jusqu'ici trop fortes se mirent à grésiller et clignoter comme au passage d'un orage. Un feûlement félin se fit entendre et la peinture sembla ruisseler sur les murs.

Aaaaaaaaah, keskecékekesecékekeskecékcetruc!

Adélie s'était déjà jetée dans les bras de sa soeur et,tétanisée , muette d'effroi, dévisageait avec stupeur la mystérieuse créature qui, depuis la pénombre, avait engendré ce chaos. Un brusque éclat de lumière révéla son apparence.

Les traits accusés par la soudaine lumière, c'est le pire cauchemar d'Adélie qui se matérialisa devant ses yeux :

-Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiih ! La trouillle! La Citrou-trouille! Elle... elle... elle a plein de pattes, artout, comme une araignéééééée! Une grosse bouche! 'A va m'mangeeeeeeer! Jveux pas, Ninaaaaaa!


Aggripée à sa soeur qui restait muette comme une tombe, Adélie au comble de l'angoisse mélangeait allègrement la vision d'horreur du magasin, ses fantasmes perso ( se faire manger par ce qu'elle voulait manger!! ) et ce qu'elle avait réellement devant les yeux. Elle voyait fourmiller des pattes d'araignée tout autour de la tête de légume, éblouie par les brusques variations de la lumière et il lui semblait entendre un rire maléfique, qui en vérité n'était que le grincement crispant du bateau. Les cous graciles du cygne monstrueux n'étaient pas faits pour servir de siège...

Keskèveut, pourquoi elle me rgard' comme ça? Oh non! C'est le gâteau! Z'avaient tout prévu! c'est pasque j'ai mangé le gâteau-citrouille, maintenant... maintenant... maintenant c'est moi qui va être mangéééééée!

Était-ce son imagination, où la créature se rapprochait d'elle? Sa bouche en zigzags acrérés semblait s'ouvrir encore plus, c'en était fait, elle allait finir dans le ventre d'une citrouillle, digérée puis régurgitée en un petit tas d'os bien propres...